3-Démarche


 Jacky Lafortune, juillet 2019

DEMARCHE PROGRESSIVE DE MON TRAVAIL PICTURAL                           

L’ acquis des arts de rue

              La craie

Indépendamment de mes connaissances livresques,ma première approche de la peinture (1967-1973) fût tout d’abord la craie de rue pratiquée sur les espaces piétonniers en Scandinavie. J’ai expliqué largement cette expérience dans mon ouvrage “ Les crayeurs de rue et l’espace graphique “. Dans ce livre, j’ai développé une analyse sur l’espace en insistant sur la recherche théorique de l’espace global, à savoir le graffiti craie-tag en comparaison avec la peinture dépendante du cadre formel du tableau de chevalet.

En ce qui concerne la réflexion sur l’espace picturo-graphique, ce travail « majeur » selon Jean Claude Moineau reste le seul, à ce jour, à élaborer une critique radicale de l’espace graphique. Alors que les théoriciens de l’Art américain, tel que Clément Greenberg, Léo Steinberg, Rosalin Krauss de même que des peintres tels que Ellsworth Kelly, Frank Stella, Donald Judd ont pensé l’espace picturo-graphique dans un contexte de fermeture, en restant attachés à leurs ateliers, à leurs studios, à leurs galeries, à leurs salles de conférence, à leurs amphithéâtres… ce texte, fait référence à une pratique de crayeur de rue ouverte directement sur l’espace de la ville? et à partir de l’observation des tagueurs, des graffeurs et des marelles d’enfants.

               Le tag et le graff

Ce travail d’observation fût acquis au contact direct de cette révolte graphique (1989-1993), à laquelle j’ai participé, non pas en tant que graffeur tagueur (trop âgé à l’époque) , mais en apportant un soutien logistique important à ce mouvement. Cette aide a consisté à mettre à la disposition des jeunes graffitistes un atelier à l’université Paris 8 ,d’une part et d’autre part en créant le premier festival international de graff (1990), Bomb’Art à Nantes. Cette manifestation fût organisé, grâce au soutien de Jean-Marc Ayrault, maire de la ville,et Patricia Solini, adjoint à la Culture, et par le trio que nous avions constitué Georges Lapassade, Christian Lemeunier et moi. A cette occasion je fus chargé de rédiger un article sur l’histoire du graffiti dans le catalogue de l’exposition. A cette époque j’avais pressenti cette nouvelle forme graffico-picturale qui s’imposait progressivement dans l’espace culturel européen.Cette pratique que l’on désigne aujourd’hui par le vocable "Street Art" reste malgré tout un concept trop vague (qui va du cracheur de feu aux déambulations de rue du living théâtre). Le concept d'arts picturo-graphiques apparait plus adapté aux  7 disciplines suivantes: la craie, le pochoire, le picturo-graffiti,le graff aérosol, le sticker-art(mini affichette),la mosaïque action ,l'affiche picturo-graffique.


A propos de la thématique de la chambre des enfants


Ma peinture ne se limite pas au paysage, ni au bestiaire au cadre éclaté, elle contient également une thématique originale. A la demande de certaines femmes favorables à l’art, parmi lesquelles figuraient de jeunes mères qui attendaient de ma part des tableaux destinés aux chambres des enfants, mais également des peintures à offrir lors de  la naissance de bébés. J’ai apprécié l’importance de leur demande, même si cette dernière m’amenait à des sujets inhabituels que je qualifie de peinture de “ chambre d’enfants “. J’ai consacré une thématique assez diversifiée commençant par des jouets d’enfant fabriqués en bois appartenant à ma génération issue du baby-boom maintenant arrivée au papy-boom, j’ai peint des ours en peluche ainsi que des poupées, des oiseaux, des petits animaux, ces séries, proche d’une sensibilité écologique peuvent être présentées dans des chambres d’enfant. Ce type de peinture va à l’encontre de l’Art établi mais me convient très bien quoiqu’on n’en pense. Ces réalisations témoignent d’une nouvelle pratique d’accrochage dans l’appartement familial, l’œuvre se déplace du salon morne et triste de la bourgeoisie vers la chambre des enfants. Cette translation iconographique et spatiale symbolise un petit changement de notre présent boboïsant par rapport au passé bourgeois et conformiste. Savoir diversifier ses thématiques picturales ne doit plus être considéré comme une tare, ni une honte, comme malheureusement le vivait Piet Mondrian qui réalisait une œuvre abstraite aux yeux de tous et, secrètement, peignait des fleurs et des natures mortes classiques sans les signer afin de pouvoir subvenir à ses besoins. Pour lui, ces réalisations mineures n’étaient rien d’autre que des sujets dévalorisants.